Notre série sur les souvenirs d’école nous amène à partager quelques moments de vie. Voici un souvenir de fraternité que Marie partage avec nous, un souvenir de fin d’été quand l’école n’a pas encore repris.

Par Marie H.

Septembre arrivait, la pluie sur les roses, l’odeur des pommes tombées dans l’herbe mouillée parfumaient notre fin d’été. Les matins étaient frais et brumeux, après le petit-déjeuner pris dans la cuisine, nous courions offrir du sucre ou une carotte à la jument Belle. Cette brave bête nous laissait grimper sur son dos. Cramponnés à sa crinière, nous faisions le tour des prés. 

L’après-midi nous descendions le chemin de la valleuse pour aller nous baigner. Après avoir joué dans les vagues, nous rentrions les poches pleines de coquillages ramassés sur la plage, barbouillés du jus des mûres cueillies le long des haies. Les moissons étaient faites, le blé rentré, nous pouvions nous cacher derrière les bottes de paille.

Les jours de pluie, nous nous installions dans des vieux fauteuils pour lire ou feuilleter des albums. Les soirs de beau temps, tassés sur les bancs de bois du jardin, nous échangions des coups d’épaule et parfois un baiser frôlait une joue. Les chiens allongés sur le seuil soupiraient, la tête entre leurs pattes. Ils nous suivaient tout le jour dans nos escapades, c’étaient de bons compagnons. Dans la maison les lumières brillaient, des notes de musique nous parvenaient, quelqu’un s’était mis au piano. Nous avions tous un goût prononcé pour la nuit et nous ne montions nous coucher qu’après avoir contemplé les étoiles et essayé de situer les constellations.

Nous étions des enfants du hasard, la guerre était passée par là, cette vieille maison était devenue un refuge.

L’apanage des orphelins est de considérer les liens de l’amitié au moins aussi importants que ceux du sang. Une solide fraternité nous unissait, proche du clan et de la tribu.

Étions-nous heureux ? Je ne sais mais le goût de vivre était revenu et ne nous quitterait plus.