Catherine nous propose à son tour un souvenir d’école. Elle nous emmène au CP où l’enseignante faisait régner sa loi. Implacable. Cette manière d’appréhender l’enseignement semble vraiment dater d’une autre époque.
Par Catherine Lenord
Zizi et Pan-Pan
Je me souviens de ma classe de CP qui m’a particulièrement marquée. Le livre de lecture s’appelait « Zizi et Pan-Pan ». J’étais très timide à l’époque. Et la maîtresse était très sévère. À vrai dire, elle m’impressionnait avec son gros chignon et ses mains dont chaque doigt portait une grosse bague. Dans sa classe, c’était le silence complet. Elle seule avait le droit de parole.
A cette époque, nous étions soumis à son autorité. Toutes les maîtresses bénéficiaient d’une aura que nul, parent ou enfant, n’aurait eu l’idée de contester.
Un jour, j’ai eu un grave accident : j’ai été renversée par une mobylette en traversant la rue devant l’école. Étant très distraite, j’avais regardé à droite mais pas à gauche pour aller embrasser une ancienne voisine que j’aimais bien sur le trottoir d’en face.
Mon nez était écrasé, ma lèvre supérieure pendait, mon visage était couvert d’ecchymoses. La dernière image que je garde avant de sombrer dans un profond coma, c’est le visage de mon père penché sur moi.
Il était affolé, il avait encore son bleu de travail, il croyait me perdre, il me voyait déjà défigurée. Il avait mis sa veste sur moi pour ne pas que j’aie froid. Pendant ce temps, la directrice de l’école tentait désespérément d’écarter les gens pour me laisser respirer.
Après plusieurs mois d’hospitalisation, je suis retournée dans ma classe de CP mais j’avais évidemment beaucoup de retard dans l’apprentissage de la lecture.
Aussi, le 1er jour, quand la maîtresse m’a demandé de poursuivre la lecture de « Zizi et Pan-Pan », je suis restée bloquée et j’ai été incapable de lire quoique ce soit, même quand elle a mis son doigt bagué sous chaque syllabe, comme il était coutume de faire à cette époque où l’on appliquait déjà la méthode syllabique.
Après plusieurs tentatives infructueuses durant lesquelles je restais toujours aussi silencieuse, la maitresse a fini par laisser libre cours à son énervement en me lançant avec rage :
« Tu aurais mieux fait de rester à l’hôpital ! ».
Pour toute réponse, je me suis mise à pleurer, c’était la seule chose que je pouvais faire face à cette méchanceté.
J’avais 6 ans, ce souvenir m’a marqué à jamais, et quand, bien plus tard, je suis moi-même devenue enseignante, je ne crois pas avoir jamais eu ce genre d’attitude. J’ai toujours essayé d’être patiente et compréhensive face à des situations difficiles.