En cette année décidément très particulière, nombreux sont les festivals qui ont dû être annulés, depuis les internationalement connus, Printemps de Bourges, festival de Carhaix, festival d’Avignon, jusqu’aux plus près de chez nous en Normandie comme les festivals de Beauregard, Jazz sous les Pommiers à Coutances ou Moz’aïque aux Jardins Suspendus du Havre… 

Par Martine Lelait

Retour d’expérience sur une immersion cet été dans une ville veuve de son festival, plongée plein sud dans Avignon 

Une atmosphère bien différente en effet des autres étés. Le soleil, la chaleur, les cigales,  le mistral sont bien là mais où est donc passé tout ce qui fait la couleur et la saveur du festival ? Disparue la joyeuse animation des rues,  disparu l’affichage multicolore qui grignote tout l’espace visible jusque dans les moindres interstices des murs et qui, accroché aux clôtures, aux barrières, aux gouttières, s’agite mollement au vent. Disparus les flyers et les cartes postales qui jonchent les rues pour orienter vers leurs spectacles les festivaliers parfois étourdis ou perdus dans une programmation plus que riche. Disparues les troupes qui déambulent costumées à travers la ville et dont le maquillage transpire sous le cagnard. Disparues aussi les musiques, les chants, tout ce joyeux tohu-bohu qui accompagnent ces énergies débordantes. 

Alors que reste-t-il ?  

Tous les théâtres sans exception ont baissé le rideau puisqu’ils n’ont pas pu être loués, les restaurants et cafés font grise mine lorsqu’ils sont ouverts. Au Musée Angladon où aucun autre visiteur n’a été croisé dans les salles, l’ambiance est  morose : il est patent que les retombées économiques se font déjà ressentir dans tous les domaines, que ce soit dans l’hôtellerie où les annulations se sont multipliées, dans les commerces dont certains ne vont pas se relever de cette crise. De ce fait, de nombreux étudiants n’ont pas pu trouver de job d’été cette année.

Du côté des intermittents, c’est la Bérézina. Ainsi Arnaud, technicien du spectacle, qui habituellement grâce au festival arrive à porter ses heures d’intermittence des 507 heures requises à plus de 1000. Or cette année sans festival, aucun travail. Même s’il souffle un peu avec l’annonce des droits à l’intermittence reconduits jusqu’en août 2021, l’inactivité pèse ; il bricole, fait de la musique avec des potes, monte des projets pour plus tard si…

Projets confisqués

Céline qui habite Villeneuve lez Avignon et fréquente d’habitude beaucoup les lieux culturels, regrette qu’on lui ait « confisqué » tous les projets de l’été. La COVID avait déjà apporté un grand marasme pour les magasins et bistrotiers ; ils avaient espéré se rattraper avec le festival… c’est raté. Heureusement, dit-elle, que le cinéma « art et essai » UTOPIA a rouvert. Elle pointe aussi que l’absence de la foule de juillet (touristes, festivaliers, parades d’acteurs) dans la rue de la République donne une plus grande visibilité aux nombreux SDF. Un Avignon dégrisé par son absence de fête.

Des avis ponctuellement contrastés

Pour d’autres résidents, moins de regrets. Ainsi Sylvie qui lisait au calme dans le jardin de la médiathèque et qui déclare qu’à elle, le festival ne manque pas du tout, mais alors pas du tout : avignonnaise de longue date,  elle aime pourtant le festival, ce qu’il représente, son histoire, Jean Vilar, mais elle apprécie particulièrement cet été comme une pause bienvenue ; elle n’en pouvait plus de ce trop de festival, trop de spectacles (1500 en 2019), trop de monde (une ville qui passe de 92.000 habitants à 700.000 visiteurs), trop de difficultés à circuler, trop de bruit, trop de tout… Elle sera contente toutefois de le retrouver l’an prochain… en espérant qu’il aura un format plus réduit.

A l’année prochaine si tout va bien

Cet été aura permis un regard un peu changé sur Avignon, une ville comme d’autres en France, privée de son festival et qui se donne à voir à ses moins nombreux touristes comme elle est pour les avignonnais les 11 autres mois de l’année, mais qui cogite déjà sur la rentrée, sur le comment rebondir, comment se relever et continuer.