Comment prendre de l’âge sans s’aigrir ? Sans regarder le monde qui change autour de soi d’un œil critique et désabusé ? Marie propose une piste. 

Par Marie H. 

« C’est un art de contempler ce que les ans nous apportent, plutôt que ce dont ils nous privent. »

A cette maxime pleine de sagesse d’André Gide, on peut préférer l’injonction joyeuse de Robert Finley, le blues man noir américain, qui nous propose, du haut de ses soixante-dix printemps, de nous lever de notre rocking-chair et d’être rock’n’roll ! Le vieux lion du blues n’a rien perdu de sa superbe.

Il y a tant de façons de vieillir, de bien vieillir. Il est parfois difficile de rester un acteur au sein d’une société rongée par le jeunisme, mais on peut devenir un témoin, regarder de tous ses yeux, de toute son âme la beauté du monde pour s’en réjouir et rester vigilant, quant à l’avenir des habitants de ce monde, embarqués sur le bateau où nous voguons tous. L’ennui n’est pas obligatoire, la solitude non choisie non plus.

Il y a une certaine liberté acquise avec l’âge qui devrait nous mener à une grande indépendance et à une grande ouverture d’esprit. Ne renonçons pas à nos désirs, à nos aspirations, faisons en sorte qu’ils restent en accord avec notre âge et nos possibilités.

Gardons-nous de devenir des « donneurs de leçons ». Notre expérience de la vie est-elle si profonde que nous puissions la donner en exemple à une jeunesse qu’elle ennuiera à coup sûr ?

« Personne n’est jeune, passé quarante ans mais on peut être irrésistible à tout âge ». Chanel pensait, sans doute à juste titre, que beaucoup de femmes âgées étaient souvent « trop ». Trop maquillées, trop bijoutées, trop habillées et pas assez élégantes. La mode passe, le style reste. Mieux vaut être une belle vieille qu’une vieille belle. Une amie, surnommée par moi, Sainte Sévère, me disait, il y a peu :

  • As-tu vu ces femmes de plus de trente ans, tatouées sur la longueur du bras façon guerrier Massaï ? Comme eux, elles font peur.
  • Personnellement ça ne m’empêche pas de respirer, tu connais ma devise : vivre et laisser vivre.

Mon amie a eu une moue dubitative et est restée sans me parler durant une semaine.  Nous nous sommes réconciliées devant un verre apporté jusqu’à notre table par une serveuse tatouée, arborant un piercing à la lèvre supérieure. Nous nous sommes regardées et avons éclaté de rire. La femme est perfectible, à tout âge la tolérance peut lui advenir. Tatie Danièle, ce n’est drôle qu’au cinéma, dans la vie, ce genre de dame est une calamité.

Beaucoup d’années sont passées, l’eau a coulé sous les ponts. Au fil de l’eau, les amis d’autrefois sont devenus fantômes légers. Il y a des rues où l’on ne va plus, des seuils que l’on ne franchit plus. Cela passe comme une brume, un matin d’été. Le souvenir est une douce mélancolie, n’en faisons pas une tristesse.

Après avoir appris à danser sous l’orage, quittons la vie comme on déserte une fête, d’un pas léger sans déranger les amis.