Ayant surmonté sa crainte de partir au Vietnam, d’où elle est revenue enchantée, Martine a désormais des fourmis dans les jambes. Mais comment faire taire sa conscience écologique ?

Par Martine Lelait 

Dans un récent numéro de l’Obs (1er juin 2023), j’ai découvert un mot que je ne connaissais pas : l’hodophobie, la peur irrationnelle de voyager. Il paraît que cela existe, puisque le magazine y consacrait un article intitulé « Voyageurs immobiles ».

Longtemps, je n’ai pas voyagé, mais pas par peur. Pas voyagé, du moins jamais à l’étranger ; le camping à la campagne, à la mer, à la montagne, dans les belles régions françaises, suffisait à m’apporter un sain dépaysement, à réjouir mes yeux et mes sens.

Hormis quelques grandes villes européennes accessibles en voiture ou en train, (Hanovre, Bruges, Londres, Amsterdam), j’ai été plus loin après l’âge de cinquante ans. 

Je suis ainsi allée passer quelques jours à Istanbul, Dublin, Séville, Barcelone, Budapest. Avec une amie malade qui devait décéder peu de temps après, nous avons fait notre plus long voyage, un voyage organisé à Saint-Pétersbourg… où je me réjouis d’être allée parce que, pour des raisons évidentes, il n’est plus question d’y aller à présent.

Très récemment, je me suis laissée embarquer par une amie qui souhaitait visiter le Vietnam du Nord (Hanoï) au Sud (Ho Chi Minh Ville/Saïgon), en circuit organisé. 

Je ne peux pas dire, comme d’aucuns, que c’était un rêve pour moi que d’aller au Vietnam. J’avais imaginé faire ce voyage avec une amie d’origine vietnamienne, mais à 80 ans maintenant, celle-ci n’envisage plus d’y retourner. 

J’ai donc accepté sans trop hésiter la proposition de mon amie. Pourtant, jusqu’au moment du départ, je me suis demandé si je ne commettais pas une erreur monumentale : n’était-ce pas un peu trop loin pour moi ? Et si mon genou me faisait à nouveau souffrir et m’empêche de me déplacer ?  Et si je ne supportais pas la chaleur ? Et si la nourriture me rendait malade ?  Et s’il fallait avoir une personnalité plus aventurière que la mienne ? 

Partir a balayé tous mes remords. J’ai été émerveillée par tout ce que j’ai découvert, étonnée aussi d’y prendre autant de plaisir malgré la fatigue du voyage et la chaleur, parfois suffocante. Dès mon retour, je me suis même précipitée à l’Armitière, librairie bien connue des Rouennais, pour y acheter un livre de cuisine vietnamienne. 

Et maintenant ? Continuer à voyager ou pas ?

Si j’en appelle à ma raison, je dirais non, assurément non ! Sans sombrer dans l’éco-anxiété, je n’ai pas envie d’alourdir mon empreinte carbone en prenant l’avion. J’ai d’ores et déjà tiré un trait définitif sur des villes que j’aurais adoré visiter mais qui meurent sous l’affluence touristique ; je pense tout particulièrement à Venise. Je ne retournerai jamais, pour les mêmes raisons, à Barcelone. Je n’ai aucune envie non plus de rejoindre les troupeaux de touristes qui se gargarisent « d’avoir fait » le Mexique, l’Inde, le Japon etc. Comme si séjourner quelques jours et même quelques semaines quelque part suffisaient à en épuiser toute la substance !

En même temps, si je laisse ma raison de côté et écoute mon inclinaison, je me dis que tant que mon âge et ma santé me le permettent encore, ce serait bête de ne pas profiter de découvrir d’autres lieux et d’autres modes de vie. Je ne cherche pas vraiment mais des opportunités se présentent à moi – un circuit dans le fjords de Norvège, par exemple – auxquelles je suis bien obligée de réfléchir !

Affaire à suivre… Je ne sais pas encore si j’écouterai mon cœur, ma raison, ou mon porte-monnaie !