Ils ne sont coupables de rien et pourtant, ils sont prisonniers de camps en Syrie car leurs parents les ont entraînés dans leurs projets djihadistes. Bien que français, le gouvernement rechigne à les rapatrier. En attendant, ils croupissent sans soins et éducation derrière des barbelés. 

Par Claudie Perrot 

Après la chute de Bachar el Assad, petit à petit, la Syrie se réveille d’un long cauchemar. 54 ans de dictature, 13 ans de tortures, de guerre civile, plus de 5000 morts, des villes détruites…La reconstruction s’annonce longue et délicate en raison du contexte international et surtout en raison du nouveau régime. Le dirigeant Ahmad al chareh semble donner des gages de bonne volonté mais gommeront-ils son passé de terroriste même s’il troque parfois son turban de djihadiste contre un uniforme de l’armée et même un costume civil?
Après la chute de Daesh, les djihadistes étrangers ont été incarcérés par les kurdes. Leurs femmes et leurs enfants ont été principalement emmenés dans les camps de Roj et de Orkesh, situés dans le Nord-Est de la Syrie dans le Kurdistan Syrien. Depuis 2015- 2016 les enfants et leurs mères y croupissent et affrontent des conditions de vie effroyables. Marie Dosé avocate de l’association Collectif des familles, nous fait part de son indignation : « La France laisse macérer des femmes et des enfants dans des camps insalubres et dangereux depuis 5 ans au moins. Le temps d’une enfance. »
A partir de 2019, plusieurs pays de l’UE ont rapatrié dans leur pays, des femmes et des enfants. La France qui, dans ce domaine, mène la politique la plus sévère d’Europe a choisi de rapatrier les enfants au « cas par cas ». Elle a d’ailleurs été condamnée, d’abord par l’ONU « parce que cette attitude porte atteinte au droit et à la vie de ces enfants et les expose à des traitements inhumains et dégradants » et aussi par la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) se référant au protocole No 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme « nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire dont il est le ressortissant ». Or, ces enfants sont nés en France, ont des parents français et ont été emmenés de force en Syrie. Ce sont des victimes et leur vie est brisée par les décisions de leurs parents. Leur rapatriement est le seul moyen de les soustraire à cet environnement. 
Après ses condamnations, la France accélère un peu les rapatriements mais sur environ 300 enfants captifs, il reste encore aujourd’hui entre 120 et 150 bambins qui vivent dans des conditions épouvantables.
La situation actuelle mérite attention avec l’arrivée au pouvoir du nouveau chef d’état. Pour l’instant, le Nord-Est syrien (Kurdistan syrien) où sont réfugiés ces enfants n’est pas concerné par les bouleversements de ce nouveau régime. Le nouvel homme fort multiplie les propos rassurants auprès des Syriens ainsi que de la communauté internationale et garantit que les droits fondamentaux des différentes communautés religieuses dans ce pays multiconfessionnel sont respectés. Compte- tenu de son parcours, tiendra-t-il parole ?
En attendant, l’inquiétude grandit en France notamment du côté des grands-parents de ces enfants retenus dans les camps. A force de tractations, Avocats sans frontières, l’association Collectif des familles représentée par Marie Dosé et quelques grands-parents ont réussi à se rendre dans les camps de Roj et de Orkesh. Ils ont pu constater que femmes et enfants vivaient dans des conditions difficiles :  plus d’électricité, plus de soins, pas d’école… Cependant, ces grands parents ont pu serrer dans leurs bras leurs petits-enfants. « Mais à notre départ, on les a laissés là, derrière ces barbelés… » se désolent-ils 
Le groupe a aussi pu se rendre à Orkesh. Orkesh fait partie des centres dits de « réhabilitation », créés par les Kurdes pour y incarcérer les garçons dès l’âge de 12 ans. Ces enfants français, mineurs pour la plupart, écrivent en vain des lettres de demande de retour en France auprès des autorités françaises. Ils sont dans un état physique et psychologique catastrophique, certains sont malades, d’autres souffrent de douleurs après avoir été blessés. L’un d’entre eux, handicapé à la suite de l’explosion d’un obus, ne comprend pas pourquoi sa mère et ses frères et sœurs ont été rapatriés et pas lui.  « C’est comme si on l’avait oublié et qu’on le laissait crever » dénonce Marie Dosé. 
Au moment du rapatriement, dès leur arrivée les mères sont incarcérées et donc séparées de leurs enfants avec lesquels elles vivaient 24h/24. Heureusement, des visites sont organisées dans les prisons pour maintenir un lien affectif indispensable.
Les enfants, eux, sont pris en charge par les services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), bénéficient d’un suivi médico-psychologique et sont placés en famille d’accueil. Partis très jeunes, certains sont même nés sur place, ils n’ont connu que la radicalisation, la guerre et souvent ont été confrontés à la mort. La faim, le froid, l’absence d’éducation et de soins ont été leur quotidien : on comprend qu’ils soient traumatisés.
Quant aux grands-parents ou à la famille qui demandent leur garde, la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) fait une enquête auprès de chaque membre qui dure environ 6 mois, pour s’assurer qu’elle est en mesure d’accueillir l’enfant avec ses traumatismes, ses difficultés et surtout éviter une autre rupture si la cohabitation se passait mal.
Dans plusieurs pays européens dont la France, l’opinion publique est plutôt favorable au rapatriement de ces enfants. Des associations de familles, des ONG lancent régulièrement des appels aux différents gouvernements pour accélérer le processus.

Les Syriens se réjouissent de la chute du régime mais… que vont faire les turcs qui cherchent à renforcer leur influence face aux Kurdes syriens ? Que va devenir le Kurdistan syrien où sont implantés les camps de Roj et de Orkesh ? L’heure est grave.