Pas besoin d’une actualité spécifique pour faire de belles rencontres artistiques ! Marie vient de découvrir l’œuvre de Jean-Michel Basquiat, un peintre new-yorkais décédé il y a 38 ans. Touchée par son expression et son parcours, elle a éprouvé le désir de partager son enthousiasme. 

Par Marie H. 

New-York, fin des années 1970. Au cœur d’une ville déglinguée, suant la misère et l’abandon, un jeune garçon noir va, la nuit, peindre au spray des graffitis sur les murs de Manhattan. Son nom : Jean-Michel Basquiat. 

Ses dessins enfantins, naïfs et colorés traduisent sa révolte. A dix-huit ans, il quitte sa famille. Il a un but, il veut réussir grâce à son art. Il est celui qui sait « picturaliser » les paroles des marginaux de la mégapole américaine. Ses dessins donnent à la fois à voir et à lire la contre-culture Hip-Hop. Ses tableaux peuvent évoquer la peinture majuscule des musées. On est loin de la froideur du Pop’art. Basquiat a beau vouer un culte à Andy Warhol, il se garde de l’imiter.

Bientôt, il participe au prodigieux bouillonnement artistique qui anime les années 80. Il rejoint une pléiade d’artistes novateurs. Peintres, musiciens, écrivains, poètes, noirs et blancs, explorent les matières, des sons, des expressions inconnus jusqu’alors. Basquiat a été musicien, il a vécu avec tous ces plasticiens qui, la nuit, fréquentent les boîtes où les jeunes dansent sur des rythmes nouveaux. L’adolescent rencontre des galéristes. Andy Warhol achète un de ses dessins, le cinéaste Jim Jarmusch l’admire. A un critique qui l’interroge sur ses projets, il répond sans hésiter : la royauté, l’héroïsme, les rues.

Très vite il devient célèbre, il ne change pas. Basquiat devenu riche peut bien voyager en Concorde, il sait que la plupart des taxis refuseront à l’arrivée d’embarquer le jeune black qu’il est. Alors, avec ses frères du ghetto, il continue la lutte contre le racisme mortifère qui gangrène l’Amérique. Il exorcise ses douleurs et ses démons à coup de dessins magistraux et de tableaux dantesques : squelettes multicolores, crânes aux orbites creuses et au rictus sanglant ; de magnifiques totems noirs ornent des toiles.

Dans New-York, métropole cosmopolite en proie à un crépuscule vénéneux, la drogue se vend au coin des rues. Elle ravage et détruit insidieusement ceux qui s’attachent à elle, c’est un piège mortel. Basquiat se laisse séduire, la drogue le tuera. Il brûle sa vie, son seul bien avec son talent. La gloire et les dollars ne consolent pas toutes les peines et ne guérissent pas du mal de vivre. Il existe une photo où il est très beau, jeune et élégant dans un costume de « trader chic », assis dans la rue sur un bidon vide. Ses pieds sont nus, son regard d’enfant triste semble nous dire : « malgré les apparences, je n’appartiens pas à la société moisie de « l’american dream », leur rêve, c’est mon cauchemar ».

Les favoris des dieux font rarement des centenaires. Basquiat nous quitte à vingt-huit ans, après une vie ardente, vite brisée. Désormais reconnu comme l’un des créateurs du Street-Art, il est devenu une icône. Les collectionneurs se disputent ses toiles qui atteignent des prix fabuleux, des expositions lui sont consacrées dans le monde entier. C’est un météore qui a traversé le ciel de nos jeunes années. Une explosion d’étoiles semées dans un ciel sans espoir. 

Comme dans la chanson des Eagles : there’s a new kid in town.

Cet enfant a vite grandi et n’a fait que passer, nous laissant seuls continuer le chemin.